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Cependant qu’au péril de cent mille cornades,
Je combats des taureaux à grands coups de lançades.
Tu me ravis ta niéce, ignorant affronteur,
En faveur d’un valet qui n’est qu’un imposteur ?
Elle auroit succédé dans ma couche honorable
À ma chére Azaréque, une reine adorable ;
Et, traître ! tu la fais femme d’un écrivain,
D’un grand faquin qui vit du travail de sa main ?
Dis, fourbe le plus grand qui soit dans la Castille !
Est-ce pour tes beaux yeux qu’on s’expose en soudrille ?
Ne comptes-tu pour rien d’être venu d’Orgas ?
Et suis-je un homme à perdre et mon tems et mes pas ?
Si je n’étois chrétien, (mais le christianisme
Me défend d’entreprendre un sanglant cataclisme :)
Si je n’étois chrétien, commandeur effronté,
Je t’aurois dépaulé, décuissé, détêté ;
Si je n’avois eu peur de m’accabler moi-même,
J’aurois fait le Samson dans ma fureur extrême ;
J’aurois mis ton château tout sans dessus dessous,
Ton reniffleur et toi, ta niéce et son époux.
Si tu m’avois tenu la parole promise,
Je lui donnois mon bien, je la faisois marquise ;
Moi parent de César, moi marquis, moi Japhet,
J’allois faire l’esclave, et j’aurois fort mal fait.
Mais que je sache encor pourquoi d’un secretaire
Cette jeune indiscrete est l’injuste salaire.
Est-ce pour les profits du secrétariat,
Qui ne lui vaudra pas par an demi-ducat ?

d. alfonse.

Monseigneur dom Japhet !

d. japhet.

                                       Vîtement, qu’on me l’ôte
Ce perfide valet.

d. alfonse.

                                 Je confesse ma faute :
Mais lorsque vous saurez que j’étois cavalier,
Que l’amour m’a fait prendre un habit d’écolier,
Et que j’étois aimé de ma belle maîtresse,
Vous ne me croirez plus d’ame double et traîtresse,
Et vous pardonnerez…