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le commandeur.

Méchant ! tu l’as séduite, et ta condition
Est chose supposée, et pure invention.

d. alfonse.

Il est vrai, commandeur, j’ai ta niéce séduite,
Nous devions elle et moi demain prendre sa fuite.
Je l’adore, elle m’aime, et m’a donné sa main ;
Que n’exécutes-tu ton arrêt inhumain ?
Sa bouche d’un soupir rendra ma mort heureuse,
C’est là l’ambition de mon ame amoureuse.
Si mon trépas lui coûte une larme, un soupir,
Je mourrai de l’amour le glorieux martyr.

le commandeur.

Je te ferai mourir au milieu des supplices.

d. alfonse.

Les plus cruels tourmens me seront des délices,
Puisqu’ils me serviront vers elle à mériter.

le commandeur.

Dis ton nom, scélérat ! ou je te vais planter
Ce poignard dans le sein

d. alfonse.

                                        C’est toute mon envie :
Si je perds Léonore, ai-je affaire de vie ?
Délivre-moi le bras, donne-moi ton poignard,
Et je me percerai le cœur de part en part.
Tu veux savoir mon nom, je le saurois bien taire,
Au bien de mon amour s’il étoit nécessaire ;
Pour la peur de cent morts je ne dirois pas,
Un amant comme moi ne craint point le trépas :
Mais pour justifier ma flamme, il le faut dire,
Je m’appelle Enriquez, voilà ma sœur Elvire,
Et ma mére est ici malade, et moi je suis
Prêt de te satisfaire autant que je le puis :
Si ce que je te dis t’irrite davantage,
Exerce dessus moi ton poignard et ta rage.