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d. japhet.

                                  Je m’en suis apperçu ;
Mais l’empereur saura comment on m’a reçu,
Et si l’on traite ainsi les hommes de mérite,
Reçoit-on bien un homme alors que l’on le quitte,
Et qu’on lui met en tête un maudit Harangueur,
Qui m’auroit à la fin fait mourir de langueur ;
J’en écrirai deux mots à l’illustre duc d’Alve,
Son parent et le mien : bon dieu !

On tire un coup d’arquebuse contre son oreille.
d. alvare.

                                            C’est une salve
Pour bien vous régaler.

d. japhet.

                                    , ma foi, je suis sourd,
Ce grand bruit a percé ma pauvre tête à jour.
Niéce du commandeur, autrefois villageoise,
Et maintenant grand’dame, et dame discourtoise,
Est-ce de guet-à-pens, ou bien par cas fortuit
Qu’on a voulu me perdre à force de grand bruit ?
De cent sots complimens sans y compter le vôtre,
Contre moi décochés, entassés l’un sur l’autre,
N’étoit-ce pas assez pour me faire enrager,
Sans qu’un chien d’harangueur me vînt aussi charger
De son hem, de sa toux, de sa renifflerie ?
Et pourquoi sur le tout cette mousquetterie,
À moi de l’arme à feu l’ennemi capital ?
Rendez-moi donc réponse, ange ou démon fatal.

On fait semblant de parler, et on ne fait qu’ouvrir la bouche sans rien prononcer.

Parlez haut, parlez haut sans tant mâcher à vide :
Oh ! que l’amour devient à mon goût insipide !
Je ne vous entends point, me parlez-vous ou non ?
Elle me parle, hélas, je suis sourd tout de bon !
Elle feint de parler, c’est moi qui n’entends goute ;
Le cousin de César est assourdi sans-doute.
À mon âge, messieurs, n’est-ce pas grand’pitié,
De m’avoir rendu sourd sous ombre d’amitié ?
Parlez bien haut, messieurs, de grace à la pareille,
Vérifions un peu ma surdité d’oreille.