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ACTE III.


Scène premiere.

LE COMMANDEUR, D. ALVARE.
le commandeur.

Vous dites donc, monsieur, que ma bonne cousine
Dans deux jours au plus tard en ces lieux s’achemine ?
Son fils ne devroit pas lui donner tant d’ennui :
Mais n’a-t-on point reçu de nouvelles de lui ?

d. alvare.

Depuis deux mois entiers qu’il partit de Séville,
Personne ne l’a vu dans cette grande ville,
Chez sa mére à Madrid il n’est point retourné ;
Il peut être volé, malade, assassiné :
Il se fie un peu trop en son jeune courage,
Et n’a jamais été des hommes le plus sage :
Il a l’esprit, le cœur, la taille et la beauté,
Mais on lui trouve aussi trop de témérité :
Vous auriez grand pitié de cette pauvre mére,
À voir de la façon qu’elle se désespére ;
Elle craint pour son fils un malheur imprévu,
Lorsqu’elle l’espéroit de femme bien pourvu.

le commandeur.

Je la consolerai de toute ma puissance.
Pour moi, vous me voyez dans la réjouissance :
La fille de mon frére, une jeune beauté,
À qui même on avoit caché sa qualité,
Pour certaine raison que vous saurez ensuite,
A depuis peu d’Orgas été chez moi conduite ;
Elle vous plaira fort, et le bon laboureur
Qui l’a si bien nourrie, est un homme d’honneur.
Mais que veut ce garçon en son habit bisarre ?