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Je pleure et je soupire aussi de mon côté.

marine.

Et s’il vous proposoit avec sincérité
D’être votre mari, feriez-vous l’insensible ?

léonore.

 ! ne me parle point d’une chose impossible.

marine.

Pourquoi non ? S’il vous aime il faut tout espérer
D’un homme qui pour vous s’amuse à soupirer,
Plutôt que de s’aller marier à Séville,
Où l’attend, dites-vous, je ne sais quelle fille.
Mais vous vous y prenez de mauvaise façon,
Il est tout feu pour vous, et vous êtes glaçon :
Cependant vous l’aimez, voyez quelle foiblesse !
Par ma foi si j’étois de quelqu’un la maîtresse,
Et que ce quelqu’un-là me plût autant qu’à vous,
Ce galant déguisé qui vous fait les yeux doux,
Sans me donner la gêne en sotte villageoise,
S’il me disoit, je t’aime, et moi vous, lui dirois-je :
Car quand on aime bien, pourquoi dire que non ?
Vous brûlez tout en vive, et de grace, à quoi bon
Cette rigueur forcée ? aimez-le, s’il vous aime ;
Je le dis tout de bon, je le ferois de même.
Montrez-lui de l’amour pour augmenter le sien ;
Promettez-lui beaucoup, ne lui permettez rien ;
Si son amour le presse, il faudra bien qu’il chante,
Ou son amour pour vous sera peu véhémente ;
S’il aime jusqu’au point de vouloir épouser,
Qu’il le fasse aussi-tôt : car ce n’est que ruser,
D’épouser en papier ou donner sa parole.

léonore.

Que je suis malheureuse, et que Marine est folle !