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Que durant le souper même, je n’ai pas pu
Tirer hors de son trou notre amant morfondu.
Il me fait grand’pitié, car il est fort aimable ;
Mais, ma foi, le marquis ne sera pas traitable,
Et je me trompe fort, s’il est moins diligent
À garder sa moitié qu’à garder son argent.
Sortez, mon cavalier, sortez en diligence,
Vous m’avez aujourd’hui coûté plus d’une transe.
Nous avons un mari jaloux comme un damné.

D. Sanche.

Hélas ! il est mon frére, et de plus mon aîné.

Lizette.

Dites-vous ?

D. Sanche.

Dites-vous ?Et de plus, c’est le dernier des hommes.

Lizette.

Nous sommes bien à plaindre en l’état où nous sommes ;
Moi d’avoir un tel maître, et vous un frére tel.
J’en fais dès aujourd’hui mon ennemi mortel ;
Il ne méritoit pas une femme si belle.

D. Sanche.

Ni moi de l’éprouver si fiére et si cruelle.

Lizette.

Vous l’avez obligée et vous êtes bien fait,
Espérez, son esprit est sensible au bienfait ;
Et quoique par vertu sa peine il dissimule,
Je sais qu’il est choqué d’un mari ridicule.
Si peu qu’un sot époux à nos yeux fasse mal,
Le tems change en mépris le respect conjugal ;
Et si peu qu’un mari se rende méprisable,
Il ne manque au galant qu’une heure favorable.