Je crains un Courtisan, autant qu'une coquette. [875]
LUCIE
Ne craignez rien, ma soeur, d'une pauvre cadette ;
Monsieur a trop d'esprit pour vous manquer de foi ;
Vous, et cent mille écus, vaille bien mieux que moi.
HÉLÈNE
Je ne puis donc à moins vous être comparable ?
LUCIE
Vous dites vrai, ma soeur, je suis toute adorable, [880]
Et si vous ne prenez bien garde à votre Amant,
Je vous le ravirai d'un regard seulement.
HÉLÈNE
Vous le voudriez bien, si vous le pouviez faire ;
Mais vos discours piquants commencent à déplaire,
Vous viendrez avec nous, monsieur, si vous m'aimez, [885]
Ou bien tous mes soupçons seront trop confirmés.
DOM DIÈGUE
Je vous veux obéir, mais ce soupçon m'offense,
Et Dom Félix sait bien quelle est mon innocence.
HÉLÈNE
Dom Félix, vous avez ici même intérêt.
DOM FÉLIX
Ah ! Madame, je sais la chose comme elle est. [890]
Le Seigneur Dom Diègue est un autre moi-même ;
S'il a voulu parler à la beauté que j'aime,
Qui depuis ces faux bruits qui m'ont assassiné,
Me fait souffrir des maux comme en souffre un damné,
Ce n'est qu'en ma faveur, ce n'est qu'à ma prière, [895]
Il connaît la rigueur à cette beauté fière ;
Il sait que depuis peu son malheureux Amant
(Qui se tiendrait heureux d'un regard seulement,)
Réduit au désespoir de la voir si cruelle,
A quasi fait dessein de mourir devant elle. [900]
LUCIE
Vous seriez, Dom Félix, un peu trop inhumain,
Je ne mérite pas un si beau coup de main.