Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée


Scène IV

ALPHONSE
DOM DIÈGUE
DOM FÉLIX

DOM FÉLIX

Elles vont, cher ami, même train que les vôtres.

DOM DIÈGUE

On vous a donc appris tout le secret des nôtres ?

DOM FÉLIX

Et que nous épousons deux soeurs en même jour,

Qu'on appelle à bon droit deux miracles d'amour,

Ha, que j'éprouverais la Fortune prospère, [735]

Mon plus fidèle ami devenant mon beau-frère,

Si je ne me voyais cruellement traité

Par ce divin objet dont je suis enchanté,

Notre fortune ici devrait être semblable ;

Mais vous êtes heureux, et je suis misérable ; [740]

Et quoi que nous devions épouser les deux soeurs,

Nous ne goûterons pas de pareilles douceurs.

Vous trouvez un esprit en la parfaite Hélène

À ne donner jamais au vôtre aucune peine,

Dans celui de sa soeur, violent et léger, [745]

J'en rencontre un très propre à me faire enrager.

On n'attendait que vous pour notre mariage,

Je me croyais au port, à couvert de l'orage ;

Mais depuis quatre jours il s'en est élevé

Un, dont je ne suis pas encor si bien sauvé, [750]

Que je n'en aie encor l'esprit rempli de crainte.

J'en serai quelque temps sans réserve et sans feinte,

(Devant que ma Lucie eût envahi mon coeur,)

Une fille de qui la complaisante humeur,

La beauté de la taille, et celle du visage, [755]

M'ont fait perdre quasi le nom d'Amant volage :

Mais tous ces grands appas se rencontrant sans bien,

Et n'étant pas un homme à me donner pour rien,

Ma Lucie aisément m'a fait être infidèle.

Depuis peu ma jalouse en ayant eu nouvelle, [760]

En publiant partout qu'elle est grosse de moi,

Et que je ne puis plus disposer de ma foi,