Si vous le permettez, car a-t-on jamais vu
Un homme comme vous d'entendement pourvu,
Voir, parler, saliver, aimer presque à même heure ?
Injurier la mort, qui trop longtemps demeure ? [630]
Exagérer ses maux en termes désolés,
Et cela sans savoir à qui vous en voulez ?
Cependant vous savez que votre mariage...
DOM DIÈGUE
Tais-toi, me voyant fou, tu veux faire le sage :
Je ne veux pas savoir si j'ai tort ou raison, [635]
Je ne veux que savoir si tu sais sa maison ;
Je suis atteint d'un mal que le remède empire ;
Je vois bien le meilleur, mais je choisis le pire.
Sache, si je fais mal, que je le sais fort bien ;
Suis donc mes sentiments, et ne me dis plus rien. [640]
Sais-tu bien sa maison ?
ALPHONSE
C'est dans la grande Place.
DOM DIÈGUE
Bon, Dom Félix y loge ; il faut que je t'embrasse :
Vois-tu bien mon habit ?
ALPHONSE
Fort bien.
DOM DIÈGUE
Il est à toi.
ALPHONSE
Oui, mais vous l'userai devant qu'il soit sur moi.
DOM DIÈGUE
Je te le donnerai dès demain, ou je meure. [645]
Mène-moi donc bien vite où mon Ange demeure,
Afin qu'à ses genoux j'aille lui confirmer,
Que je n'ai pu la voir, sans aussitôt l'aimer :
Mais hélas ! J'ai bien peur que quelque soeur moins belle
Ne me vienne tantôt recevoir au lieu d'elle, [650]
Mais certes, si je suis malheureux à ce point,
Dom Diégo Giron ne se mariera point.