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ALPHONSE

Et que donnerez-vous pour ce bonheur extrême ?

DOM DIÈGUE

Je donne tout mon bien, je me donne moi-même.

ALPHONSE

Réjouissez-vous donc, car le père qu'elle a,

S'appelle (m'a-t-on dit) Dom Pedro d'Avila. [600]

DOM DIÈGUE

Est-il possible, Alphonse ? Et son nom est Hélène ?

ALPHONSE

Pour cela, je l'ignore.

DOM DIÈGUE

Ah ! Tu me mets en peine ;

Cette beauté sera peut-être quelque soeur,

Et cependant, Alphonse, elle règne en mon coeur,

Et de telle façon, que si ce n'est point elle, [605]

Pour être bon Amant, je serai Fils rebelle ;

Ses beaux yeux dessus moi tout à coup éclatants,

M'ont ébloui, blessé, conquis en même temps ;

Elle n'a dessus moi décoché qu'une oeillade,

Et si j'en meurs, Alphonse, au moins j'en suis malade [610]

D'un mal si dangereux, que je serais marri,

Dût-il causer ma mort, si j'en étais guéri.

Adorable Beauté, pourquoi vous ai-je vue,

Si je n'aurai de vous seulement que la vue,

Hélas ! Vous avoir vue, et ne vous avoir pas, [615]

C'est bien assurément avoir vu son trépas !

Que je te trouve froid dans ton morne silence !

Prends pitié de mon mal et de sa violence,

Tiens-moi quelques discours qui puissent m'alléger,

Car ne me dire rien, c'est me faire enrager. [620]

As-tu jamais rien vu qui soit approchant d'elle ?

Dis-moi, serai-je heureux ? Sera-t-elle cruelle ?

As-tu vu dans ses yeux reluire quelque espoir ?

Ne la verrai-je plus ? La pourrai-je encor voir ?

Tu ne me réponds rien.

ALPHONSE

Que vous pourrais-je dire ; [625]

Je n'ai rien là-dessus à faire qu'à m'en rire,