Oui brave Cavalier, sachant qui vous étiez,
Sachant votre prison, et que votre noblesse
Est riche de mérite, et manque de richesse,
Je vous en vient offrir : mais à condition
Que sans vous informer de ma condition, [1210]
Sans vouloir par mon nom connaître ma personne,
Vous me saurez gré de ce que je vous donne.
Quand le Ciel m'aurait fait d'humeur à recevoir,
Je ne puis accepter votre offre sans vous voir,
Ni vous en savoir gré devant que vous connaître. [1215]
Je crains le nom d'ingrat, je croirais déjà l'être
Acceptant un bienfait dont j'ignore l'auteur.
M'irai-je faire ingrat de gaieté de coeur ?
Votre raisonnement mes bons desseins élude,
Et l'esprit y paraît plus que la gratitude. [1220]
Je sors d'auprès de vous le visage confus ;
Car je ne pensais pas y trouver un refus.
Ce que je vous offrais, et qui n'a pu vous plaire
Me coûtait mille fois plus à dire qu'à faire :
Peut-être en l'acceptant, eussiez-vous obtenu, [1225]
De savoir un secret qui vous est inconnu.
Et qui vous préparait une bonne fortune :
Mais je ne songe pas que je vous importune.
Madame, je vois bien qu'il vous faut obéir :
Mais souhaiter vous voir, est-ce se faire haïr ? [1230]
Et sans vous offenser.
Vous tentez l'impossible.
Je ne saurais vous voir, sans vous être invisible.