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Quoique ennemi mortel, et nous serons amis,

Si par les lois d'honneur il nous était permis.


ACTE III





Scène I

.

Béatrix

Votre âme vainement se vantait d'être forte. [655]

Votre colère cède à l'amour qui l'emporte.

Vous rappelez le Comte et je gagerais bien,

Que la paix entre vous ne tient plus presque à rien.

Léonore

C'est pour me mieux venger de lui.

Béatrix

Madame, à d'autres :

Je sais comment sont faits les coeurs comme les vôtres. [660]

Comme je suis femme, et je sais ce que c'est,

Que le désir de voir un Amant qui déplaît.

Le Comte est un ingrat, si vous voulez un traître,

Son mépris est sensible autant qu'il le peut être,

Son oubli toutefois plutôt que son mépris, [665]

Est tout ce qui vous rend le coeur de rage épris.

Et vous aimeriez mieux qu'il vous eût offensée,

Que son oubli vous eût de son âme effacée.

Léonore

Hélas ! Que tu vois clair dans le fond de mon coeur,

Et que de son oubli mon amour a de peur. [670]

Béatrix

Madame, croyez-moi, les hommes sont des drôles,

Et le temps est passé des Amadis des Gaules :

Quand j'ai tantôt rendu votre obligeant billet,

Qu'en langage d'amour on appelle poulet.

J'ai bien vu que le Comte, avec sa fausse mine [675]

A pour vous plein son coeur de l'amour la plus fine,