l'heure :
Je vous conjure donc, ennemi généreux,
Puisque aussi bien me vaincre est un exploit honteux,
Que je n'ai point d'honneur puisqu'on l'ôte à mon père, [595]
Qu'un homme sans honneur ne peut vous satisfaire ;
De me donner le temps, de me mettre en état,
Ou de tenir parole en fuyant le combat,
Ou bien d'y succomber plein d'honneur et de gloire,
Sans que vous rougissiez d'une telle victoire. [600]
Oui, je ne serai pas généreux à demi,
Je vous veux obliger ennemi comme ami.
Allez, allez venger un père qu'on offense :
Vous verrez des effets de ma reconnaissance.
Si je les acceptais, ce serait vous trahir : [605]
Constant à vous servir, constant à vous haïr,
Vous n'aurez pas plutôt vengé l'affront d'un père
Que je prétends sur vous venger la mort d'un frère ;
Mais parce qu'étant pris vous êtes en danger,
Et qu'ainsi dessus vous je ne me puis venger, [610]
Remettez à mon bras ce qu'on demande au vôtre,
Vous savez que le mien vaut bien celui d'un autre.
Où loge votre père ? Apprenez-moi son nom,
Et je vais de ce pas rétablir son renom,
Et quand j'aurai pour vous satisfait votre père, [615]
Je reviendrai sur vous assouvir ma colère.
Ces deux desseins sont beaux, et très dignes de vous
Mais le second dépend aucunement de nous,
Ma valeur vous en rend l'issue assez douteuse.
La proposition du premier m'est honteuse. [620]
Le nom d'un offensé ne se révèle point,
L'honneur me le défend, et le même m'enjoint
De ne remettre pas à la valeur d'un autre,
Ce que peut achever un bras comme le nôtre.
Que voulez-vous donc faire ?