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Tes injures, tes cris, ne peuvent m'irriter,

Je veux un ennemi qui puisse résister.

Je ne veux point de femme, et quand j'en voudrais une,

J'en choisirais une autre, et d'une autre fortune.

Pour me la faire prendre, il fallait me prier, [275]

Non pas me quereller, non pas m'injurier.

Je ne fais rien par force, et fais tout par prière ;

Aux humbles je suis doux ; aux fiers, j'ai l'âme fière.

Et puis vos déplaisirs me seront imputés :

Prenez, prenez-vous en à vos témérités. [280]

J'ai dit sur le sujet tout ce que je veux dire ;

Pensez-y mûrement, et que je me retire.

Dom Félix

Tu ne t'en iras pas sans me faire raison.

Le Comte

La bravoure sied mal à tout homme grison.

Dom Félix

D'autres bras que les miens vengeront mon offense. [285]

Le Comte

Je m'en vais de ce pas songer à ma défense.

Léonore

Ha ! Perfide, sans foi.

Le Comte

Ne vous fâchez pas tant,

Pour remède à vos maux, j'ai de l'argent comptant.

Adieu bel Ange en pleurs. Et vous vieillard colère,

Ne vous pressez pas tant de devenir beau-père. [290]

Il s'en va.

Dom Félix

Ha, si mon bras m'épargne, insolent ravisseur

Je préfère ses coups à ta fausse douceur.

M'ayant ôté l'honneur en ma fille ravie,

Pour allonger mes maux me laisses-tu la vie ?

Viens, viens, finir mes jours, ils n'ont que trop duré, [295]

Si j'avais moins vécu j'aurais moins enduré.

Mais différons encor cet extrême remède,

Rappelons cependant Dom Pedre dans Tolède.

Ce fils que Dieu me laisse, est jeune, et courageux,

Il saura bien venger un mépris outrageux. [300]