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HISTOIRE

s’avisa de vouloir la compléter. Il me fallut apprendre alors (Dieu sait ce qu’il m’en coûta) une foule d’exercices plus déshonorants et surtout plus difficiles les uns que les autres. Ô honte ! je sus bientôt faire le mort et faire le beau au moindre signe comme un Chien caniche. Mon tyran, encouragé par la déplorable facilité que je devais à la rigueur de sa méthode, voulut joindre à cette partie plus sérieuse de son enseignement ce qu’il nommait un art d’agrément, et me donna de si terribles leçons de musique, que, malgré mon horreur pour le bruit, je fus en moins de rien en état de battre un roulement très-passable sur le tambour, et forcé d’exercer ce nouveau talent toutes les fois qu’un des membres de la famille royale sortait du château.

Un jour, c’était un mardi, le 27 juillet 1830 (je n’oublierai jamais cette date-là), le soleil brillait de tout son éclat ; je venais de battre au champ pour monseigneur le duc d’Angoulème, qui allait toujours se promener, et j’avais encore les nerfs tout agacés par le contact de la peau de l’horrible instrument, une peau d’Âne ! quand tout à coup, et pour la seconde fois de ma vie, j’entendis retentir des coups de fusil qui semblaient se tirer tout près des Tuileries, du côté du Palais-Royal, m’a-t-on dit.

Grand Dieu, pensai-je, des Lièvres infortunés, auraient-ils eu l’imprudence de se hasarder dans ces rues de Paris où il y a autant d’Hommes que de Chiens et de fusils ! et l’affreux souvenir de la chasse de Rambouillet me glaça d’effroi. Décidément, pensai-je, il faut qu’à une époque