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HISTOIRE

Un matin, dès l’aurore, après avoir couru à travers ces prés et ces guérets, j’étais sagement revenu m’endormir près de ma mère, comme le devait faire un enfant de mon âge, quand je fus réveillé soudain par deux éclats de tonnerre et par d’horribles clameurs… Ma mère était à deux pas de moi, mourante, assassinée !… — Sauve-toi ! me cria-t-elle encore, sauve-toi ! et elle expira. Son dernier soupir avait été pour moi.

Il ne m’avait fallu qu’une seconde pour apprendre ce que c’était qu’un fusil, ce que c’était que le malheur, ce que c’était qu’un Homme. Ah ! mes enfants, s’il n’y avait pas d’hommes sur la terre, la terre serait le paradis des Lièvres : elle est si bonne et si féconde ! Il suffirait de savoir où est l’eau la plus pure, le gîte le plus silencieux, les plantes les plus salutaires. Quoi de plus heureux qu’un Lièvre, je vous le demande, si, pour nos péchés, le bon Dieu n’avait imaginé l’Homme ? mais, hélas ! toute médaille a son revers, le mal est toujours à côté du bien, l’Homme est toujours à côté de l’Animal.

— Croiriez-vous me dit-il, ma chère Pie, que j’ai vu dans des livres qui n’étaient pas écrits par des Bêtes, il est vrai, que Dieu avait créé l’Homme à son image ? Quelle impiété !

— Dis donc, grand-père, dit le plus petit, il y avait une fois dans le champ là bas deux petits Lièvres avec leur sœur, et puis il y avait aussi un grand méchant oiseau qui a voulu les empêcher de passer : c’est-il cela un Homme ?