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HISTOIRE

Fourrier, etc. ; vous êtes lettrée, ma bonne Pie, veuillez me servir de secrétaire, mon histoire y gagnera. »

Je cédai à ses instances, et je m’apprêtai à écouter. Les discours des vieillards sont longs, mais il en ressort toujours quelque utile enseignement.

Voulant donner de la solennité à cet acte, le plus important et le dernier peut-être de sa vie, mon vieil ami se recueillit pendant cinq minutes, et se souvenant qu’il avait été un Lièvre savant, il jugea à propos de commencer par une citation. (Il tenait cette manie des citations d’un vieux comédien qu’il avait connu à Paris.) Il emprunta donc son exorde à un auteur tragique auquel les Hommes s’accordent enfin à trouver quelque mérite, et commença en ces termes :

Approchez, mes enfants, enfin l’heure est venue
Qu’il faut que mon secret éclate à votre vue.

Ces deux vers de Racine, qu’un nommé Mithridate adresse à ses enfants dans une circonstance qui n’est pas analogue, et la belle déclamation du narrateur produisirent le plus grand effet.

L’aîné quitta tout pour venir se placer respectueusement sur les genoux de son grand-père ; le cadet, qui aimait passionnément les contes, se tint debout et ouvrit les oreilles ; et le plus jeune s’assit par terre en grugeant par la tige un brin de trèfle.