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VOYAGE D’UN LION D’AFRIQUE

gilet de quarante au plus et un pantalon de soixante francs. Ajoutez à ces guenilles une frisure de cinquante centimes, des gants de trois francs, une cravate de vingt francs, une canne de cent francs et des breloques valant au plus deux cents francs ; sans y comprendre une montre qui se paye rarement, vous obtenez un total de cinq cent quatre-vingt-trois francs cinquante centimes, dont l’emploi ainsi distribué sur la personne rend un Homme si fier, qu’il usurpe aussitôt notre royal nom. Donc, avec cinq cent quatre-vingt-trois francs cinquante centimes, on peut se dire supérieur à tous les gens à talent de Paris, et obtenir l’admiration universelle. Avez-vous ces cinq cent quatre-vingt-trois francs, vous êtes beau, vous êtes brillant, vous méprisez les passants dont la défroque vaut deux cents francs de moins. Soyez un grand poëte, un grand orateur, un Homme de cœur ou de courage, un illustre artiste, si vous manquez à vous harnacher de ces vétilles, on ne vous regarde point. Un peu de vernis mis sur des bottes, une cravate de telle valeur, nouée de telle façon, des gants et des manchettes, voilà donc les caractères distinctifs de ces Lions frisés qui soulevaient nos populations guerrières. Hélas ! Sire, j’ai bien peur qu’il n’en soit ainsi de toutes les questions, et qu’en les regardant de trop près, elles ne s’évanouissent, ou qu’on y reconnaisse sous le vernis et sous les bretelles un vieil intérêt, toujours jeune, que vous avez immortalisé par votre manière de conjuguer le verbe Prendre !