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À PARIS.

pu mettre les pattes sur les boulevards, que je me suis aperçu combien cette capitale diffère du désert. Tout se vend et tout s’achète. Boire est une dépense, être à jeun coûte cher, manger est hors de prix. Nous nous sommes transportés, mon Tigre et moi, conduits par un Chien plein d’intelligence, tout le long des boulevards, où personne ne nous a remarqués, tant nous ressemblions à des Hommes, en cherchant ceux d’entre eux qui se disent des Lions. Ce Chien, qui connaissait beaucoup Paris, consentit à nous servir de guide et d’interprète. Nous avons donc un interprète, et nous passons, comme nos adversaires, pour des Hommes déguisés en Animaux. Si vous aviez su, Sire, ce qu’est Paris, vous ne m’eussiez pas mystifié par la mission que vous m’avez donnée. J’ai bien peur d’être obligé quelquefois de compromettre ma dignité pour arriver à vous satisfaire. En arrivant au boulevard des Italiens, je crus nécessaire de me mettre à la mode en fumant un cigare, et j’éternuai si fort, que je produisis une certaine sensation. Un feuilletonniste, qui passait, dit alors en voyant ma tête : — Ces jeunes gens finiront par ressembler à des Lions.

« — La question va se dénouer, dis-je à mon Tigre.

« — Je crois, nous dit alors le Chien, qu’il en est comme de la question d’Orient, et que le mieux est de la laisser longtemps nouée.

« Ce Chien, Sire, nous donne à tout moment les preuves d’une haute intelligence ; aussi vous ne vous étonnerez