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UNE CARPE MAGICIENNE.

tout à coup. Par un prodige inouï, des nymphea, bravant les ténèbres, élevèrent leurs tiges hardies jusqu’à la surface de l’eau, et beaucoup de fleurs, qui s’étaient fermées pour ne se rouvrir qu’au matin, furent tirées, contre l’ordre de la nature, de leur profond sommeil. Des nuages épais pesaient sur l’atmosphère ; le ciel semblait comprimer la terre ; l’air était lourd, et le silence si grand, que M. le Duc pouvait entendre distinctement les battements de son cœur.

La vieille Carpe se plaça au milieu, et les rondes se mirent à tourner autour d’elle, chacune dans son sens, les unes vivement, les autres lentement. Au troisième tour, la vieille Carpe fit un plongeon, resta sous l’eau pendant quelques minutes, et du fond de l’abîme rapporta cette réponse au Hibou épouvanté :

— Ton épouse bien-aimée n’est pas morte !

Cela dit, la tête et la queue de la sorcière se rapprochèrent, par un mouvement bizarre, comme les deux extrémités d’un arc, elle fit un bond prodigieux, s’éleva de six pieds dans les airs, et disparut.

« Elle n’est pas morte ! elle n’est pas morte ! répéta le chœur infernal ; elle n’est pas morte ! La Chouette est l’oiseau de Minerve ; la fille de la Sagesse t’aurait-elle quitté si tu ne l’avais pas mérité ? À l’eau ! à l’eau ! Hibou, tu l’as promis, il faut mourir !

« Chantons, chantons gaiement ! criaient les Écrevisses et les Grenouilles ; peu nous importe pourquoi tu meurs,