Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/548

Cette page a été validée par deux contributeurs.
344
SOUVENIRS D’UNE VIEILLE CORNEILLE.

voici. Cette lettre était, comme dernier trait de caractère, écrite sur du papier à vignette, et parfumé.

« Monsieur le Duc,

Il est dans me destinée d’être incomprise. Je n’essayerai donc pas de vous expliquer les motifs de mon départ.

Signé Duchesse de la Terrasse. »


M. le Duc lut, relut, et relut cent fois, sans pouvoir les comprendre, ces lignes écrites pourtant d’une griffe et d’un style assez ferme, et sembla justifier ainsi le laconisme de l’auteur.

Mais ce que l’esprit ne s’explique pas toujours, le cœur parvient souvent à le comprendre, et il sentait bien qu’un grand malheur venait de le frapper. Ce ne pouvait pas être pour rien que tout son sang avait ainsi reflué vers son cœur… Ses plumes se hérissèrent, ses yeux se fermèrent, et il fut, pendant un instant, comme atteint de vertige. Lorsqu’il put enfin mesurer toute l’étendue de son malheur, il laissa tomber sa tête sur sa poitrine oppressée, et demeura longtemps immobile, comme s’il eût été privé de tout sentiment.

Quand on est ainsi frappé tout d’un coup, on se sent si faible, qu’on voudrait ne l’avoir été que petit à petit et comme insensiblement. — Il lui sembla d’abord que quelque chose d’aussi essentiel que l’air, la terre et la nuit