Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/532

Cette page a été validée par deux contributeurs.
332
SOUVENIRS D’UNE VIEILLE CORNEILLE.


IV.


Partout où il y a des Lézards, il y a des Lézardes. Or, non loin de la pierre dans laquelle demeurait mon Lézard, il y avait une autre pierre au fond de laquelle logeait un cœur qui ne battait que pour lui et que rien n’avait pu décourager. Ce petit cœur tout entier appartenait à l’ingrat qui ne s’en doutait seulement pas. La pauvre petite amoureuse passait des journées entières à la fenêtre de sa crevasse à contempler son cher Lézard, qu’elle trouvait le plus parfait du monde ; mais c’était peine perdue. Et elle le voyait bien. Mais que voulez-vous ? elle aimait son mal et ne désirait point en guérir. Elle savait que le plus grand bonheur de l’amour, c’est d’aimer. Pourtant quelquefois sa petite demeure lui paraissait immense. Il eût été si bon d’y vivre à deux. Quand cette pensée lui venait, ses petits yeux ne manquaient pas de se remplir de larmes. Que n’eût-elle pas donné pour essayer de cet autre bonheur qu’elle ne connaissait pas, celui d’être aimée à son tour !

— Une jolie crevasse et un cœur dévoué, c’est pourtant une belle dot, pensait-elle.

Ou ce Lézard était aveugle, ou il était de pierre

L’espérance la soutint aussi longtemps qu’elle crut que son Lézard n’aimait rien.

Mais que devint-elle grand Dieu ! quand elle s’aperçut