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SOUVENIRS D’UNE VIEILLE CORNEILLE.

pleuré longtemps, ma chère douleur m’échappa peu à peu. À quoi sommes-nous fidèles ?

Vie errante
est chose enivrante.


Du moment où je ne voyageais plus que pour voyager, et qu’en haine du moindre repos, pour ainsi dire, je pensai à cette maxime d’un grand moraliste : « On ne voyage que pour raconter ; » pourquoi ne raconterais-je pas ? me dis-je aussitôt.

Ce fut ainsi que je pris d’abord une note, puis deux, puis trois, puis mille. À mesure que l’occasion s’en présentait, et j’avais soin qu’elle se présentât souvent, je racontais mes voyages aux Oiseaux qu’un peu de curiosité rassemblait autour de moi. Je m’efforçais de parler clairement et de dire honnêtement à chacun ce qui pouvait lui être utile et agréable ; je voyais bien qu’on m’écoutait, mais on ne me louait pas encore, et chacun semblait craindre de hasarder son suffrage. À la fin, un Oiseau (qui, à la vérité, n’était pas de mes amis) se risqua et dit tout haut, avec une grande assurance, que mes contes étaient bons. C’en fut assez, leur fortune était faite ; bientôt mes récits passèrent, volèrent de bec en bec, et je les retrouvai partout. J’en fus flattée.

Quand on a une fois goûté de la louange, on en vient à l’aimer, si peu qu’on la mérite, ou si peu qu’elle vaille et qu’on l’estime. — Je continuai donc.