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DE PISTOLET.

l’eau emporte avec elle toute cette abominable odeur de cuisine ; elle rend leur lustre à ces soies ébouriffée, sa grâce à ce corps maladif, leur vivacité à ces yeux fatigués par le feu du fourneau. Sorti de l’eau limpide, Azor se roule avec délices sur l’herbe odorante ; il imprègne sa robe de l’odeur des fleurs, il blanchit ses belles dents au lichen du vieil arbre. C’en est fait, il a retrouvé tous les bondissements de la jeunesse ; son jeune cœur se dilate tout à l’aise dans sa poitrine ; il bat ses flancs de sa queue soyeuse ; — il s’enivre, en un mot, d’espérance et d’amour. L’avenir lui est ouvert. Il n’est rien au monde à quoi il ne puisse atteindre, pas même la patte de Zémire. À la vue de tous ces transports extraordinaires, le Danois rit dans sa barbe, comme un sournois qu’il est, et il semble dire en grognant : « Coquette que vous êtes, malheur à vous ! et toi, tu me le paieras, mon cher ! »

Je dois vous dire, mon maître, pour être juste, que cette scène de réhabilitation sociale est jouée avec le plus grand succès par le célèbre comédien Laridon. Il est un peu gros pour son rôle, peut-être même un peu vieux. Mais il a de l’énergie, il a de la passion, il a du chique, comme on dit dans les journaux consacrés aux beaux-arts.

Une belle scène, ou du moins qui a paru belle, c’est la scène où Zémire, la Chienne de la reine, vient prendre ses ébats dans la forêt d’Aranjuez. Zémire marche à pas comptés, en silence ; ses longues oreilles sont baissées vers la terre ; sa démarche annonce la tristesse et les angoisses de