Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/470

Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
LE PREMIER FEUILLETON

baiser de la poussière de tes pas, si tu faisais de la poussière en marchant ! » Ainsi pense le jeune Azor. Mais tout à coup, au milieu de son délire, arrive le marmiton qui lui jette de la cendre brûlante dans les yeux pour lui faire tourner la broche un peu plus vite.

Il faut vous dire que, dans le palais de l’Escurial, se tient le féroce Danois du ministre da Sylva. Ce Danois est un insolent drôle, très-fier de sa position dans le monde, l’ami intime des chevaux de M. le comte et chassant quelquefois avec lui, mais uniquement pour son propre plaisir. C’est un gentilhomme d’une belle robe et d’une belle souche, mais dur, féroce, implacable, jaloux, méchant. Vous allez voir.

Notre Danois a fait une cour assidue à la belle Zémire ; il l’a même flairée de très-près. Mais elle, la noble Espagnole, n’a répondu que par le plus profond mépris aux empressements de cet amoureux du Nord. Alors que fait le Danois ? Le Danois dissimule ; on dirait qu’il a tout à fait oublié cet amour si maltraité. Mais, hélas ! il n’a rien oublié, le traître ! et comme un jour, en passant dans les fossés du château, il vit le tendre Azor assis sur son derrière, qui regardait d’un œil amoureux la niche de sa maîtresse, « Azor, lui dit le Danois, suivez-moi ! » Azor le suit, la queue entre les jambes. Que fait alors mon Danois ? Il mène Azor au bord de l’étang voisin, il lui ordonne de se jeter à l’eau et d’y rester pendant une heure. Azor obéit ; le voilà qui se plonge dans les eaux bienfaisantes ;