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LE PREMIER FEUILLETON

ont été entassées dans ce drame. Figurez-vous que la belle Zémire appartient tout simplement à la reine d’Espagne. Elle porte un collier de perles, elle passe sa vie dans le giron soyeux de sa royale maîtresse, elle mange dans sa main, elle boit dans son verre, elle est traînée par six chevaux fringants, elle la suit à la messe, à l’opéra ; en un mot, Zémire, petite-fille de Fox, arrière-petite-fille de Max, et qui compte parmi ses aïeux l’illustre, le célèbre, le royal César, Zémire est, après la reine d’Espagne, la seconde reine de l’Escurial.

Mais, d’autre part, dans les arrière-cuisines du château, tout à côté des éviers et des eaux grasses, parmi les plus affreux marmitons et dans la roue du tournebroche, un Animal tout pelé, tout galeux, bon enfant, du reste, nommé Azor, fait tourner la broche de la reine en pensant tout bas à Zémire. Il chante :

Belle Zémire, à vous, blanche comme l’hermine
Ô mon bel ange à l’œil si doux !
Quand donc à la fin prendrez-vous
En pitié mon amour, au fond de la cuisine ?

Vous dormez tout le jour aux pieds de notre reine,
Et moi, vil marmiton,
Je tourne tout le jour dans ma noire prison.
Zémire, oh ! tirez-moi de peine !

laissez tomber, Madame, un regard favorable,
Sur mon respect, sur mon amour