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LE PREMIER FEUILLETON

nos poëtes la muselière classique : tout le malheur de la poésie du chenil, c’est l’absence de muselière. Les anciens poëtes, grâce à leur muselière, vivaient loin de la foule, loin des passions mauvaises, loin des colères soudaines. On ne les voyait pas, comme ceux d’aujourd’hui, fourrez insolemment leur nez souillé dans toutes les immondices des carrefours. Muselés, ils étaient les bienvenus partout, dans le palais, dans le salon, sur les genoux des belles dames ; muselés, ils étaient à l’abri de la rage, cette inexplicable maladie sans remède, et à l’abri de la boulette municipale ; muselés, ils restaient chastes, purs, bien élevés, élégants, corrects, fidèles, tout ce que doit être un poëte. Aujourd’hui, voyez ce qui arrive ; voyez à quels excès les pousse la liberté nouvelle ! à quels hurlements affreux ! à quelles révolutions dangereuses ! à quelles maladies cutanée ! surtout à quelles innovations impuissantes ! Et que vous avez bien raison de dire souvent, mon cher maître, que ces prétendus novateurs ne sont que de vils plagiaires, et qu’ils seraient bien embarrassés de rien inventer si on ne l’avait pas fait avant eux !

Cependant, peu à peu, l’action dramatique allait en s’élargissant, comme on dit aujourd’hui. Quand les Carlins à la suite eurent bien expliqué les affaires les plus secrètes de leurs maîtres, leurs sentiments les plus intimes, les maîtres vinrent, à leur tour pour nous donner la paraphrase et le hoquet de leurs passions. Oh ! si vous saviez combien ce sont là d’odieux personna-