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VOYAGE

s’obtenir que par une division cruelle en castes ; mon bon sens de Moineau se révolta à cette idée de l’inégalité des conditions.

— Adieu, me dit la reine, que Dieu vous éclaire ! De Dieu procède l’instinct, obéissons à Dieu. Si l’égalité pouvait être proclamée, ne serait-ce pas chez les Abeilles, qui sont toutes de même forme et de même grandeur, dont les estomacs ont la même capacité, dont les affections sont réglées par les lois mathématiques les plus rigoureuses ? Mais, vous le voyez, ces proportions, ces occupations ne peuvent être maintenues que par le gouvernement d’une reine.

— Et pour qui faites-vous votre miel ? pour l’Homme ? lui dis-je. Oh ! la liberté ! Ne travailler que pour soi, s’agiter dans son instinct ! ne se dévouer que pour tous, car tous, c’est encore nous-mêmes !

— Il est vrai que je ne suis pas libre, dit la reine, et que je suis plus enchaînée que ne l’est mon peuple. Sortez de mes états, philosophe parisien, vous pourriez séduire quelques têtes faibles.

— Quelques têtes fortes ! dis-je.

Mais elle s’envola. Je me grattai la tête quand la reine fut partie, et j’en fis tomber une Puce d’une espèce particulière.

— Ô philosophe de Paris, je suis une pauvre Puce venue