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D’UN MOINEAU DE PARIS.

tons de leurs gardes nationaux, et les prennent alors pour prétexte des plus grands désordres. La monarchie, c’est l’ordre, et l’ordre est absolu.

— L’ordre à votre profit, princesse. Il me semble que les Abeilles vous font une jolie liste civile de bouillie perfectionnée, et ne s’occupent que de vous.

— Eh ! que voulez-vous ? l’État, c’est moi. Sans moi, tout périrait. Partout où chacun discute l’ordre, il fait l’ordre à son image, et comme il y a autant d’ordres que d’opinions, il s’ensuit un constant désordre. Ici, l’on vit heureux parce que l’ordre est le même : il vaut mieux que ces intelligentes Bêtes aient une reine que d’en avoir cinq cents comme chez les Fourmis, par exemple. Le monde des Abeilles a tant de fois éprouvé le danger des discussions, qu’il ne tente plus l’expérience. Un jour, il y eut une révolte. Les Ouvrières cessèrent de recueillir la propolis, le miel, la cire. À la voix de quelques novatrices, on enfonça les magasins, chacune d’elles devint libre, et voulut faire à sa guise ! Je sortis, suivie de quelques fidèles de ma garde, de mes accoucheuses et de ma cour, et vins dans cette ruche. Eh bien, la ruche en révolution n’eut plus de bâtiments, plus de réserves. Chacune des citoyennes mangea son miel, et la nation n’exista plus. Quelques fugitifs vinrent chez nous transis de froid, et reconnurent leurs erreurs.

— Il est malheureux lui dis-je, que le bien ne puisse