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VOYAGE

principes, je reconnus l’impossibilité d’éclairer cette nation. Ce dogme sauvage est devenu l’instinct même des Fourmis. Leur expédition fut consommée sous mes yeux. Au retour de la guerre faite pour sauver les trois Neutres compromises, on envoya des ambassadeurs examiner le terrain, les abords de la fourmilière à prendre, et l’esprit des habitants.

— Bonjour, mes amis, dit la Patricienne à des Fourmis qui passaient, comment vous portez-vous ?

— Pardon, je suis occupée.

— Attendez donc ! que diable, on se parle. Vous avez beaucoup de grain, et nous n’en avons point, mais vous manquez de bois, et nous en avons beaucoup : changeons ?

— Laissez-nous tranquilles, nous gardons nos grains.

— Mais il ne vous est pas permis de garder ce qui abonde chez vous, quand nous en manquons chez nous : cela est contre les lois du bon sens. Échangeons.

Sur le refus de la fourmilière, la Patricienne, qui se regarda comme insultée, expédia une feuille des plus solides chargée de Fourmis en Formicalion. Les Patriciennes dirent que l’honneur formique et la liberté commerciale étaient compromis par une fourmilière récalcitrante. Sur ce, l’eau fut couverte aussitôt d’embarcations, et la moitié des Neutres embarquées. Après trois jours de manœuvres, les pauvres Fourmis étrangères furent obligées de se disperser dans l’intérieur des terres, abandonnant leur four-