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PHILOSOPHE.

patience et de résolution, on se tire des situations les plus difficiles ! J’étais bien jeune encore, quand un jour l’appât d’un morceau de lard le fit tomber dans un de ces traquenards vulgairement connus sous le nom de souricières. Tous réunis autour de sa prison, nous imitions notre pauvre mère, nous ne songions qu’à verser des larmes, en invoquant la miséricorde céleste… Lui, toujours calme, toujours grand, même dans le malheur, il nous dit : « Ne pleurez pas, agissez !… Peut-être, à quelques pas d’ici, l’ennemi veille dans l’ombre… Essayons de lui échapper… Plus d’une fois j’ai curieusement observé la construction de ces piéges inventés par la perversité humaine ; et, si je ne me trompe il n’est pas impossible d’en sortir. Cette porte qui vient de se refermer sur moi se rattache à ce que la science nomme un levier. (Mon père était un Rat de bibliothèque ; il savait de tout un peu.) On prétend qu’avec un levier et un point d’appui, on soulèverait le monde ; si avec ce levier on peut sauver un père de famille, ça sera bien plus beau ! Grimpez donc sur le toit de ma prison et tous, réunissant vos efforts, suspendez-vous à ce levier ; bientôt je serai libre. » Ses ordres sont exécutés ; la porte fatale se rouvre ; mon père nous est rendu et déjà nous allions fuir, lorsque, d’un bond terrible, un affreux Matou s’élance au milieu de nous. « Partez ! » nous crie mon père, dont rien ne peut ébranler le courage ; et voilà que seul il tient tête à ce terrible adversaire. Noble lutte ! Il