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GUIDE-ÂNE

ciale de leur vie, appelée instinct, tandis que l’Homme n’apprend rien sans des peines inouïes.

— Parce que la science est inutile ! s’écria le jeune Homme. Avez-vous jamais étudié le Chat-Botté ?

— Je le racontais à mes élèves quand ils avaient été sages.

— Eh bien, mon cher, là est la règle de conduite pour tous ceux qui veulent parvenir. Que fait le Chat ? Il annonce que son maître possède des terres, et on le croit ! Comprenez-vous qu’il suffit de faire savoir qu’on a, qu’on est, qu’on possède ! Qu’importe que vous n’ayez rien, que vous ne soyez rien, que vous ne possédiez rien, si les autres croient ? Mais vœ soli a dit l’Écriture. En effet, il faut être deux en politique comme en amour, pour enfanter une œuvre quelconque. Vous avez inventé, mon cher, l’instinctologie, et vous aurez une chaire d’Instinct Comparés. Vous allez être un grand savant, et moi je vais l’annoncer au monde, à l’Europe, à Paris, au ministre, à son secrétaire, aux commis, aux surnuméraires ! Mahomet a été bien grand quand il a vu quelqu’un pour soutenir à tort et à travers qu’il était prophète.

— Je veux bien être un grand savant, dit Marmus, mais on me demandera d’expliquer ma science.

— Serait-ce une science, si vous pouviez l’expliquer ?

— Encore, faut-il un point de départ.

— Oui, dit le jeune journaliste, nous devrions avoir un Animal qui dérangerait toutes les combinaisons de nos