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écarté en un point de la route dans laquelle avait marché ceux qui, avant nous, ont écrit sur les Bêtes ou à propos des Bêtes en vue de l’Homme.

Jusqu’à présent, en effet, dans la fable, dans l’apologue, dans la comédie, l’Homme avait été toujours l’historien et le raconteur. Il s’était toujours chargé de se faire à lui-même la leçon, et ne s’était point effacé complètement sous l’Animal dont il empruntait le personnage. Il était toujours le principal, et la Bête l’accessoire et comme la doublure ; c’était l’homme enfin qui s’occupait de l’Animal ; ici c’est l’Animal qui s’inquiète de l’Homme, qui le juge en se jugeant lui-même. Le point de vue, comme on voit, est changé. Nous avons différé enfin en ceci, que l’Homme ne prend jamais la parole de lui-même, qu’il la reçoit au contraire de l’Animal devenu à son tour le juge, l’historien, le chroniqueur, et, si l’on veut, le chef d’emploi.

Nous ne prétendons pas dire que notre découverte soit une grande découverte, ni même une bonne découverte ; nous voulons seulement montrer en quoi nous avons différé.

Peut-être reconnaîtra-t-on que c’est à cette innovation, si frivole qu’elle paraisse, que nous avons dû de pouvoir marcher avec quelque nouveauté et quelque succès dans une voie qui pouvait paraître close jusqu’à un certain point.

Nous remercions le public de l’accueil que ce livre a reçu. Toute part faite, nous pensons qu’un succès aussi grand que celui qu’il a obtenu ne saurait être un succès illégitime, et nous croyons fermement que si nous avons été encouragés, c’est qu’on a vu qu’en nous le talent, sans doute, pouvait faillir, mais non les bonnes intentions et les bons sentiments.