Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
GUIDE-ÂNE

jamais tes steppes de vingt pieds carrés, tes vallées suisses larges de trente mètres ? Serais-je jamais un Animal couché sur l’herbe du budget ? Mourrais-je de vieillesse entre tes élégants treillages, étiqueté sous un numéro quelconque, avec ces mots : Âne d’Afrique, donné par un tel, capitaine de vaisseau. Le roi viendra-t-il me voir !

Après avoir ainsi salué la ville des acrobates et des prestidigitateurs, nous descendîmes dans les défilés puants du célèbre faubourg plein de cuirs et de science, où nous nous logeâmes dans une misérable auberge encombrée de Savoyards avec leurs Marmottes, d’Italiens avec leurs Singes, d’Auvergnats avec leurs Chiens, de Parisiens avec leurs Souris blanches, de harpistes sans cordes et de chanteurs en roues, tous Animaux savants. Mon maître, séparé du suicide par six pièces de cent sous, avait pour trente francs d’espérance. Cet hôtel, dit de la Miséricorde, est un de ces établissements philanthropiques où l’on couche pour deux sous par nuit, et où l’on dîne pour neuf sous par repas. Il y existe une vaste écurie où les mendiants et les pauvres, où les artistes ambulants mettent leurs Animaux, et où naturellement mon maître me fit entrer, car il me donna pour un Âne savant. Marmus, tel était le nom de mon maître, ne put s’empêcher de contempler la curieuse assemblée des Bêtes dépravées auxquelles il me livrait. Une marquise en falbalas, en bibi à plumes, à ceinture dorée, Guenon vive comme la poudre, se laissait conter fleurette par un soldat, héros des parades populaires, un