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GUIDE-ÂNE

nécessaire pour vivre ? Comment ces Animaux apprennent-ils si promptement tout ce que savent leurs pères ? Chaque Animal possède un ensemble d’idées, une collection de calculs invariables qui suffisent à la conduite de sa vie et qui sont tous aussi dissemblables que le sont les Animaux entre eux ! Pourquoi l’Homme est-il destitué de cet avantage ? Quoique mon maître fût d’une ignorance crasse en histoire naturelle, il aperçut une science dans la réflexion que je lui suggérais, et résolut d’aller demander une place au ministère de l’instruction publique, afin d’étudier cette question aux frais de l’État.

Nous entrâmes à Paris, l’un portant l’autre, par le faubourg Saint-Marceau. Quand nous parvinmes à cette élévation qui se trouve après la barrière d’Italie et d’où la vue embrasse la capitale, nous fîmes l’un et l’autre cette admirable oraison postulatoire en deux langues.

Lui : — Ô sacrés palais où se cuisine le budget ! quand la signature d’un professeur parvenu me donnera-t-elle le vivre et le couvert, la croix de la Légion-d’Honneur et une chaire de n’importe quoi, n’importe où ! Je compte dire tant de bien de tout le monde qu’il sera difficile de dire du mal de moi ! Mais comment parvenir au ministre, et comment lui prouver que je suis digne d’occuper une place quelconque ?

Moi : — Ô charmant Jardin des Plantes, où les Animaux sont si bien soignés, asile où l’on boit et où l’on mange sans avoir à craindre les coups de bâton, m’ouvriras-tu