Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
LES ANIMAUX

ciel. Une idée ! mes amis. Voulez-vous savoir comment je regarde l’étage supérieur des maisons de Paris ? C’est à mon avis, la tête, le cerveau de cette grande ville… le cerveau, et même un peu aussi le cœur. C’est là qu’on pense, c’est là qu’on rêve, c’est là qu’on aime, en attendant qu’on descende au premier étage végéter d’ambition et de richesse ; car notre maître a beau dire, il prouve lui-même, par ses succès et son peu de mérite, qu’il n’est pas déjà si difficile de devenir riche et de parvenir.

« — Ah ! voilà, reprit le Requin ; les exceptions vous séduisent et vous éblouissent ; vous oubliez qu’un seul heureux est le produit d’un millier de dupes et de plus de cent misérables ; vous ignorez, tristes savants, qu’il y aura beaucoup d’appelés et peu d’élus. Un Homme a prétendu, je le sais bien, que le soleil éclaire nos succès, et que la terre s’empresse de recouvrir nos bévues ; des niais ont reproduit ce mensonge. La vérité, mes amis, c’est que le soleil éclaire l’ingratitude des convalescents, ou des héritiers, et que la terre recouvre bien vite nos plus belles cures chirurgicales.

« Comme le discours devenait sérieux et profitable, l’auditoire se dégarnit rapidement.

« Ce fut à ce moment-là aussi que la raison et le sang-froid me revinrent tout à fait, je me retrouvai en face des premiers médecins que vous savez ; mais j’aperçus pour la première fois parmi eux un Animalcule, un Ciron exaltant la médecine homœopathique ; il proposait à ses