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LES ANIMAUX

vous calomniez vos concitoyens. Mais vous êtes libre, continuez.

« Je voulus aboyer au scandale, à la profanation, au sacrilège ; mais le Requin, me mordant l’oreille jusqu’au sang, me recommanda le calme, la résolution, accompagnée de beaucoup d’espérance. « Vous tâcherez d’abord, me dit-il, de ne rien comprendre à la clinique. — C’est déjà fait, lui répondis-je. — Moi, je vais faire à ces messieurs ici présents, et qui tous brûlent de vous voir sur pied, l’histoire de votre accident ; pronostic, diagnostic, symptomatologie, séméiologie, diététique, et, je crois encore, numismatique ; rien, absolument rien, n’y manquera. Si vous n’en êtes pas immédiatement soulagé, nous ne nous amuserons pas à discuter comme ces fades médecins, dont nous nous sommes, Dieu merci, séparés, sur le strictum et le laxum, sur les humeurs, la pituite, les pores et les 66,666 sortes de fièvres spécialement affectées à l’organisation animale ; nous ne nous préoccuperons ni d’Aristote, ni de Pline, ni d’Ambroise Paré, un misérable idéologue qui disait : « Je te pansay, Dieu te guarit. » Non, ce n’est pas là notre affaire ; notre patron, notre modèle, c’est Alexandre. Resserrer, relâcher les tissus… fi donc ! Alexandre ne resserra ni ne relâcha le nœud gordien : il le coupa.

« — Vive Alexandre ! s’écrièrent les Vautours, les Rats, les Corbeaux, qui formaient l’auditoire.

« — Vous m’avez compris, continua le Requin ; il ne me