Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
LES AVENTURES

que tu recueilles ce que tu as semé. Oublie : cette fois, tu feras bien. Il ne s’agit pas de maudire la vie, mais de la porter.

— Tu as raison ! s’écria-t-il ; décidément, l’amour n’est pas le bonheur. » Et je parvins à l’entraîner loin de ce champ tout à l’heure si animé, dont la nouvelle de son infortune avait fait un désert.

La colère des Papillons n’a guère plus de portée qu’une boutade. La nuit était sereine, l’air était pur, c’en fut assez pour que sa belle humeur lui revînt ; et en quittant les jardins de la Favorite, il souhaita presque gaiement le bonsoir à une Belle-de-Nuit qui veillait près d’une Belle-de-Jour endormie.

Arrivés sur la route : « Tiens, me dit-il, vois-tu cette diligence qui retourne à Strasbourg ? profitons de la nuit et posons-nous sur l’impériale : ce voyage à travers les airs me fatigue.

— Non pas, lui répondis-je, tu as échappé aux épines, à l’eau et au désespoir, tu n’échapperais pas aux Hommes : il se peut qu’il y ait quelque filet dans cette lourde voiture. Crois-moi, rentrons en France, sur nos ailes, tout simplement. Le grand air te fera du bien, et d’ailleurs nous arriverons plus vite et sans poussière. »

Bientôt Kelh, le Rhin et son pont de bateaux furent derrière nous. Arrivés à Strasbourg, ce fut avec le plus grand étonnement que je le vis s’arrêter devant la flèche de la cathédrale, dont il admira l’élégance et la hardiesse