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LES AVENTURES

suis-moi, et je saurai t’aimer toujours parce que tu es simple et naïve ; passons le Rhin, viens à Baden. Tu aimeras ces fêtes brillantes, ces concerts, ces parures et ces palais enchantés et ces montagnes bleues que tu vois au fond de l’horizon. Quitte ces bords monotones, et tu seras la plus gracieuse de toutes ces fleurs que le riant pays de Baden attire.

— Non, répondait la fleur vertueuse, non, j’aime la France, j’aime ces bords qui m’ont vue naître, j’aime ces Paquerettes, mes sœurs, qui m’entourent, j’aime cette terre qui me nourrit ; c’est là que je dois vivre et mourir. Ne me demande pas de mal faire. » Ce qui fait qu’on peut aimer les Marguerites, c’est qu’elles aiment le bien et la constance.

« Je ne puis te suivre, mais toi, tu peux rester ; et loin du bruit de ce monde dont tu me parles, je t’aimerai. Crois-moi : le bonheur est facile, confie-toi en la douce nature. Quelle fleur t’aimera donc mieux que moi ! Tiens, compte mes feuilles, n’en oublie aucune, ni celles que je t’ai sacrifiées, ni celles que le chagrin a fait tomber ; compte-les encore, et vois que je t’aime, que je t’aime beaucoup, et que c’est toi, ingrat, qui ne m’aimes pas du tout ! »

Il hésita un instant, et je vis la tendre fleur espérer… « Pourquoi ai-je des ailes ? » dit-il, et il quitta la terre.

« J’en mourrai, fit la Marguerite en s’inclinant.

— C’est bientôt pour mourir, lui dis-je ; crois-moi, ta