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PEINES DE CŒUR

mon élévation, appuyèrent mes accusatrices. Enfin, les domestiques déposèrent contre moi. Je vis alors clairement à propos de quoi tout le monde perd la tête en Angleterre. Dès qu’il s’agit d’une criminelle conversation, tous les sentiments s’arrêtent, une mère n’est plus mère, une nourrice voudrait reprendre son lait, et toutes les Chattes hurlent par les rues. Mais, ce qui fut bien plus infâme, mon vieil avocat, qui, dans le temps, croyait à l’innocence de la reine d’Angleterre, à qui j’avais tout raconté dans le moindre détail, qui m’avait assuré qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un Chat, et à qui, pour preuve de mon innocence, j’avouai ne rien comprendre à ces mots, criminelle conversation (il me dit que c’était ainsi appelé précisément parce qu’on parlait très-peu) ; cet avocat, gagné par le capitaine Puck, me défendit si mal, que ma cause parut perdue. Dans cette circonstance, j’eus le courage de comparaître devant les Doctors commons.

— Milords, dis-je, je suis une Chatte anglaise, et je suis innoncente ! Que dirait-on de la justice de la vieille Angleterre, si…

À peine eus-je prononcé ces paroles, que d’effroyables murmures couvrirent ma voix, tant le public avait été travaillé par le Cat-Chronicle et par les amis de Puck.

— Elle met en doute la justice de la vielle Angleterre qui a créé le jury ! criait-on.

— Elle veut vous expliquer, milord, s’écria l’abomina-