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PEINES DE CŒUR

lendemain même, après avoir reconnu ma maladie. Il revint en effet, et sortit de sa poche un instrument de fabrique parisienne. J’eus une espèce de frayeur en apercevant un canon de métal blanc terminé par un tube effilé. À la vue de ce mécanisme, que le docteur fit jouer avec satisfaction, Leurs Grâces rougirent, se courroucèrent et dirent de fort belles choses sur la dignité du peuple anglais : comme quoi ce qui distinguait la vieille Angleterre des catholiques n’était pas ses opinions sur la Bible que sur cette infâme machine. Le duc dit qu’à Paris les Français ne rougissent pas d’en faire une exhibition sur leur théâtre national, dans une comédie de Molière ; mais qu’à Londres un watchman n’oserait en prononcer le nom. Donnez-lui du calomel !

— Mais Votre Grâce la tuerait, s’écria le docteur. Quant à cette innocente mécanique, les Français ont fait maréchal un de leur plus brave généraux pour s’en être servi devant leur fameuse colonne.

— Les Français peuvent arroser les émeutes de l’intérieur comme ils le veulent, reprit Milord. Je ne sais pas, ni vous non plus, ce qui pourrait arriver de l’emploi de cette avilissante machine ; mais ce que je sais, c’est qu’un vrai médecin anglais ne doit guérir ses malades qu’avec les remèdes de la vieille Angleterre.

Le médecin, qui commençait à se faire une grande réputation, perdit toutes ses pratiques dans le beau monde. On appela un autre médecin qui me fit des questions in-