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PEINES DE CŒUR

qui est l’abrégé des miracles de la création ; mais que votre queue, interprète élégant des mouvements de votre cœur, surpasse : oui ! jamais courbe si élégante, rondeur plus correcte, mouvements plus délicats ne se sont vus chez aucune Chatte. Laissez-moi ce vieux drôle de Puff, qui dort comme un pair d’Angleterre au parlement, qui d’ailleurs est un misérable vendu au wighs, et qui doit à un trop long séjour au Bengale d’avoir perdu tout ce qui peut plaire à une Chatte. »

J’aperçus alors, sans avoir l’air de le regarder, ce charmant Matou français : il était ébouriffé, petit, gaillard, et ne ressemblait en rien à un Chat anglais. Son air cavalier annonçait, autant que sa manière de secouer l’oreille, un drôle sans souci. J’avoue que j’étais fatiguée de la solennité des Chats anglais et de leur propreté purement matérielle. Leur affectation de respectability me semblait surtout ridicule. L’excessif naturel de ce Chat mal peigné me surpris par un violent contraste avec tout ce que je voyais à Londres. D’ailleurs, ma vie était si positivement réglée, je savais si bien ce que je devais faire pendant le reste de mes jours, que je fus sensible à tout ce qu’annonçait d’imprévu la physionomie du Chat français. Tout alors me parut fade. Je compris que je pouvais vivre sur les toits avec une amusante créature qui venait de ce pays où l’on s’est consolé des victoires du plus grand général anglais par ces mots : « Malbrouk s’en va-t-en guerre, mironton, ton ton, MIRONTAINE ! »