Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/165

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
D’UNE CHATTE ANGLAISE.

de politique, à cause de la domination anglaise dans les Indes ; mais ces questions sont peu décentes sous mes pattes et je les laisse à l’Edimburg-Review. Je fus exceptée de la noyade constitutionnelle à cause de l’entière blancheur de ma robe. Aussi me nomma-t-on Beauty. Hélas ! la pauvreté du ministre, qui avait une femme et onze filles, ne lui permettait pas de me garder. Une vieille fille remarqua chez moi une sorte d’affection pour la Bible du ministre ; je m’y posais toujours, non par religion, mais je ne voyais pas d’autre place propre dans le ménage. Elle crut peut-être que j’appartiendrais à la secte des Animaux sacrés qui a déjà fourni l’ânesse de Balaam, et me prit avec elle. Je n’avais alors que deux mois. Cette vieille fille, qui donnait des soirées auxquelles elle invitait par des billets qui promettaient thé et Bible, essaya de me communiquer la fatale science des filles d’Ève ; elle y réussit par une méthode protestante qui consiste à vous faire de si longs raisonnements sur la dignité personnelle et sur les obligations de l’extérieur, que, pour ne pas les entendre, on subirait le martyre.

Un matin, moi, pauvre petite fille de la nature, attirée par de la crème contenue dans un bol, sur lequel un muffing était posé en travers, je donnai un coup de patte au muffing, je lapai la crème ; puis, dans la joie, et peut-être aussi par un effet de la faiblesse de mes jeunes organes, je me livrai, sur le tapis ciré, au plus impérieux besoin qu’éprouvent les jeunes Chattes. En apercevant la