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HISTOIRE

à voir lever l’aurore, on ne tient guère à un voisin comme celui-là.

— Je n’y avais pas songé, reprit le Bœuf ; le fait est que, grâce à ce brave Lièvre, nous pourront désormais dormir la grasse matinée. Du reste, ce que vous avez fait là est digne d’un Français, me dit-il, car je soupçonne votre adversaire d’avoir appartenu autrefois à un ministre anglais qui l’avait dressé au combat. Je ne sais s’il faut en faire honneur à son éducation ; mais jamais Coq ne se jeta plus étourdiment dans les hasards des batailles.

Je regardai avec douleur le cadavre de mon adversaire qui gisait sur le gazon.

— Que n’as-tu entendu de ton vivant, lui dis-je, cette impitoyable oraison funèbre ! elle t’aurait appris ce que valait au juste ce renom de bretteur dont tu étais si fier et qui te coûte la vie.

Que le sang de ce malheureux Coq retombe sur vos tête ! dis-je au Bœuf et au Chien ; car il dépendait de vous d’empêcher ce duel fatal. Quant à moi, je suis innocent de ce meurtre que je déteste : la mort m’a toujours paru abominable !

Et je repris fort triste la route de Rambouillet. J’avais toujours devant les yeux ce cadavre ensanglanté. Mais à mesure que j’avançai, ces funèbres images s’effacèrent. La vue des campagnes paisibles calme les plus grandes douleurs ; et quand je retrouvai Rambouillet et ma forêt chérie, devant ces souvenirs de mes premiers jours tous