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HISTOIRE

saire de faire de nouveaux ministres et de défaire les anciens. Le lendemain, avant de partir, il reçut une grande lettre cachetée de rouge, qui avait été apportée par un soldat. Il attendit pour l’ouvrir que son fils fût parti pour l’école. Après l’avoir regardée bien longtemps avec émotion, il se décida à l’ouvrir ; après l’avoir lue, il se mit à genoux, et prononça bien souvent le nom du bon Dieu et de son petit garçon, et puis après il se coucha. Au bout de huit jours, il mourut, et il avait l’air bien malheureux en mourant.

Je le pleurai comme j’aurais pleuré un frère, et je ne l’oublierai jamais.

On vendit son lit, sa table et sa chaise, pour payer le médecin, le cercueil et le propriétaire, un Homme très-dur qui s’appelait M. Vautour ; et puis on l’emporta. Son fils, qui n’avait plus rien, s’en alla tout seul derrière lui.

Cette chambre me parut si triste et si désolée, que je résolus de m’en aller aussi. D’ailleurs les Hommes ne laissent pas pousser l’herbe dans la chambre de leurs morts, et je n’avais pas envie de faire connaissance avec le nouveau locataire qui devait venir l’occuper dès le lendemain. Il n’y a peut-être pas dans tout Paris une seule chambre qui n’ait reçu le dernier soupir de cinq cents mourants. Quand la nuit fut venue, je descendis tout doucement l’escalier. Je n’eus pas besoin de demander le cordon, car il n’y avait dans notre maison, ni portier ni sentinelle : ce n’était pas comme dans mon premier logement des Tuileries.