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D’UN LIÈVRE.

de mon désastre, j’entendais encore les clameurs de la foule irritée, lorsqu’en voulant franchir d’un bond un des fossés qui bordent les Champs-Élysées, je donnai de la poitrine dans de longues jambes qui semblaient fuir comme moi la bagarre. Mon élan était si rapide, et le choc fut si violent, que je roulais dans le fossé avec le malheureux propriétaire des jambes qui avaient embarrassé ma retraite. C’en est fait de moi, pensais-je, les Hommes sont pleins d’amour-propre, et celui-ci ne pardonnera jamais à un pauvre Lièvre l’humiliation d’une pareille culbute, il faut mourir !

IV


Qui se ressemble s’assemble. — Notre héros se lie d’amitié avec un employé subalterne du gouvernement. — La mort d’un pauvre. — Adieu Paris.


J’eus peine à en croire mes yeux. Cet homme dont je redoutais la colère était plus effrayé que moi-même, je m’aperçus qu’il tremblait de tous ces membres. Bon, me dis-je, mon étoile ne m’a pas encore abandonné ; ce vieux monsieur me paraît avoir les mêmes théories que moi sur le courage : entre gens qui ont peur, il doit être facile de s’entendre.

— Monsieur, lui dis-je, en adoucissant ma voix pour le rassurer ; monsieur, je n’ai pas l’habitude d’adresser la parole à vos pareils ; mais si nous ne sommes pas frères d’origine, je vois à l’émotion que vous éprouvez que nous