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HISTOIRE

comme s’ils avaient espéré la trouver dans une mansarde des Tuileries. Il paraît que, parmi les Hommes, la liberté est la reine de ceux qui ne veulent pas de roi. Pendant que l’un d’entre eux arborait à la fenêtre un drapeau qui n’était pas blanc, les autres chantaient avec ferveur un beau chant dont j’ai retenu les paroles suivantes :

Allons, enfant de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé.

Quelques-uns étaient noirs de poudre et paraissaient s’être battus aussi bien que si on les eût payés pour cela. Comme ils ne cessaient de crier : Vive la liberté ! je pensais que ces malheureux, avant d’être les plus forts, avaient sans doute été enfermés comme moi dans des paniers, ou emprisonnés dans de petites chambres, et forcés peut-être de faire du bruit sans rime ni raison en l’honneur du roi. Les faibles se laissent mettre le couteau sur la gorge, mais c’est toujours à charge de revanche.

Oh ! puissance magnétique de l’enthousiasme ! Je fis trois pas vers ces Hommes, nos ennemis, et j’eus envie de crier comme eux : Vive la liberté ! mais je me dis : À quoi bon ?

Pendant ces trois journées, le croiriez-vous, ma chère Pie, douze cents Hommes furent tués et enterrés.

— Bah ! lui dis-je, on enterre les morts, mais on n’enterre pas les idées.

— Hum ! me répondit-il.