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HISTOIRE

— Ce qu’il y a de plus singulier, reprit mon vieil ami, qui me témoigna par un geste significatif que j’avais bien raison, c’est qu’au lieu d’en rougir, les Hommes sont très-fiers de ces luttes contre nature. Il paraît que, parmi eux, les choses ne vont bien que quand le canon s’en mêle, et que les époques où il y a beaucoup de sang répandu sont, dans leurs fastes, des époques à jamais mémorables.

Je n’entreprendrai pas de vous faire l’historique de ces glorieuses journées ; quoique tout n’ait pas encore été dit sur la révolution de Juillet, ce n’est pas à un Lièvre qu’il appartient de s’en faire l’historien.

— Qu’est-ce que c’est qu’une révolution de Juillet ? demanda le petit Lièvre, qui, de même que tous les enfants, n’écoutait que par intervalles, quand par hasard un mot le frappait.

— Veux-tu bien te taire, lui répondit son frère, tu n’écoutes donc pas ; grand-père vient de nous dire que c’est un moment où tout le monde avait joliment peur.

— Je me contenterai de vous apprendre, continua le narrateur, que ce petit incident n’avait pas frappé, que, durant trois mortelles journées, j’eus les oreilles déchirées par le roulement du tambour, par le fracas du canon et par le sifflement des balles, auxquels succédait un bruit lugubre et sourd qui pesait sur tout Paris. Pendant que le peuple se battait et se barricadait dans les rues, la cour était à Saint-Cloud ; je ne sais ce qu’elle y faisait : quant à nous, nous passions dans les Tuileries une nuit bien désagréable : les nuits