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L’emprunt le plus hardi que Mahomet ait fait aux récits évangéliques, c’est le récit de son voyage nocturne, lequel est aussi l’imposture la plus accablante pour sa mémoire. Un mélange confus de la tentation du Seigneur, de la Transfiguration et de l’Ascension se reconnaît ou se devine dans cette singulière invention[1]. Au moment décisif de sa carrière, lors du grand pèlerinage de 621 qui décida les Koréischites à se débarrasser enfin de lui, et qui aurait été le signal de sa mort s’il n’avait été celui de son triomphe, Mahomet sentit le besoin de s’égaler aux fondateurs des religions précédentes et au plus grand de tous, à Jésus. Il se mit à raconter que l’ange Gabriel, l’ayant fait monter sur un cheval d’un gris argenté, l’avait transporté à Jérusalem dans le Temple, où Abraham, Moïse et Jésus étaient venus à sa rencontre. Avec ces trois grands prophètes il avait fait sa prière, puis avait voyagé à travers les sept ciels jusqu’au trône de l’Éternel, qui lui avait adressé un discours terminé par ces paroles incroyables, que rapporte il est vrai la tradition, non le Coran : « Si j’ai créé Jésus de mon Esprit et de mon Verbe, j’ai écrit ton nom en parallèle avec le mien. Je ne recevrai plus désormais de prière que nous ne soyons unis, et qu’en attestant qu’il n’y a qu’un seul Dieu, on n’atteste en même temps que Mahomet est son apôtre ». Cette indigne imposture, couronnée par ces paroles sacrilèges, fit perdre à Mahomet la confiance de plusieurs de ces disciples[2]. Il essaya d’arranger la chose

  1. La sourate XVII, intitulée le Voyage Nocturne, est loin d’être claire. Gagnier, dans sa Vie de Mahomet, Amsterdam 1732, a très-longuement exposé la tradition musulmane, nettement résumée plus tard par Pastoret, l. cit.
  2. S. XVII, v. 62. — V. aussi Renan l. cit. p. 239.