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exagérée de l’adoration de la Vierge par les chrétiens.[1] Mais tout cela n’explique pas la substitution d’une déesse à l’Esprit divin. L’origine doit en être cherchée dans l’habitude des langues sémitiques, de faire de l’Esprit un principe féminin, et dans la tendance conforme de certains gnostiques. Ainsi nous savons par Saint-Jérôme et par Origène que dans l’évangile des Hébreux l’Esprit saint disait à Jésus : mon fils, tandis que le Sauveur lui-même disait : ma mère le Saint-Esprit.[2] Plusieurs sectes, les Elkésaïtes, les Ophites regardaient le Saint-Esprit comme féminin, et Valentin déjà l’appelait μήτηϱ τῶν ζώντων. Les Constitutions apostoliques comparaient l’évêque au Père, le diacre au Fils, et la diaconesse au Saint-Esprit, comparaison bizarre qui décèle la même tendance, et explique la même confusion. Ajoutons que Cyrille appelait la Vierge le complément de la Sainte Trinité.[3] Mahomet, qui n’a pas connu tous ces textes, a très-bien pu avoir une idée de leur contenu juste assez précise et juste assez vague pour arriver à son étrange conception.

Il n’est pas inutile de remarquer, avant de quitter ce sujet, que la controverse chrétienne des premiers siècles de l’hégire n’a pas suivi les musulmans sur ce terrain, et qu’elle a défendu contre eux la personnalité divine, la nature hypostatique du Saint-Esprit en même temps que celle

  1. C’est ainsi que la vénération excessive des sectes juives pour Esdras (Ozéir) a fait croire à Mahomet que les Juifs l’adoraient (S. IX, v. 30).
  2. Voir sur cette question la savante note de Gerock, l. cit. p. 77. — V. aussi M. Nicolas l. cit. p. 34, et la thèse de M. Ph. Berger sur les Ophites, Nancy 1873, p. 23.
  3. Article Miriam dans d’Herbelot, qui attribue aussi l’erreur de Mahomet sur Marie à ce que les chrétiens orientaux l’appellent la Dame, Al-Seïdat.